Nouvelle acquisition

Saint Pierre Nolasque porté à l’office divin par deux anges par Claude Mellan (1598-1688)

Nouvelle acquisition

Saint Pierre Nolasque porté à l’office divin par deux anges par Claude Mellan (1598-1688)

La Fondation William Cuendet et Atelier de Saint-Prex a récemment fait l’acquisition d’une nouvelle feuille de Claude Mellan, considérée par Maxime Préaud, l’expert absolu du graveur, comme une de ses plus extraordinaires compositions gravées. Cette pièce vient enrichir l’ensemble important de cet artiste, fonds réuni grâce à la générosité d’Isabelle et Jacques Treyvaud ainsi que de Gérard de Palézieux.

Dans un mélange offert à Arnauld Brejon de Lavergnée en 2012 (Paris, Editions Librairie des Musées), voici les précisions que donne Maxime Préaud sur cette planche :

« Râblés comme des trois-quarts de rugby, deux beaux adolescents, les cheveux bouclés à la Simon Vouet, portent entre leurs bras formant chaise, pour qu’il puisse assister à la messe, un vieillard rabougri par ses douleurs et perdu dans ses pensées. Il s’agit de Pierre Nolasque, le fondateur de l’ordre de Notre-Dame de la Merci, dont la vocation est de racheter les chrétiens ravis et pris en otages par les Barbaresques : soit en recueillant l’argent de leur rançon, soit en se mettant à la place même des otages, y subissant parfois le martyre.

La fondation de l’ordre date du 10 août 1218, quelques jours après l’apparition nocturne et simultanée de la Vierge Marie à un Pierre Nolasque déjà sensibilisé au rachat des captifs et au roi d’Aragon Jaime Ier. Le roi était à la fois l’ami et le disciple de Pierre Nolasque, et son soutien à l’ordre est manifesté par les armoiries d’Aragon (quatre pals de gueules sur champ d’or) et la couronne royale qui constituent le blason de l’ordre, telles qu’on les voit dans l’estampe, sur le mur de l’église et dans la marge inférieure.

On suppose que Pierre Nolasque naquit en 1190et qu’il serait mort en 1249. Il n’était donc pas si vieux que semble l’indiquer l’image de Mellan, même s’il pouvait être accablé de souffrances physiques, comme le rapporte son biographe : incapable de se rendre à la messe de Noël, ce qui le désespère, il s’en plaint tant que « le transport affectif de l’âme de notre bienheureux père fut aussitôt suivi d’un transport effectif de son corps, car sans trop savoir comment il se trouva soudainement en son siège dans le chœur, avec l’admiration de tous les assistants ».

La barbe ébouriffée et la chevelure agitée, outre l’aisance du graveur dans le maniement du burin, montrent que le saint appartient à ce club des mal peignés en quelque sorte fondé par le Caravage et auquel Claude Mellan adhère résolument ; il suffit de regarder les portraits qu’il a gravés de ceux qui lui étaient chers. Le groupe est magnifique de réalisme baroque – l’artiste a échancré l’habit des anges pour laisser passer leurs ailes –, on le dirait presque sculpté par le Bernin, contrastant avec le fond neutre, cistercien, de la nef sans fenêtre, où se distingue à peine la raide rangée de moines de l’ordre de Notre-Dame de la Merci qui assistent à ce petit miracle.

Vouet, Caravage, Gian Lorenzo Bernini, Claude Mellan est à l’évidence la résultante des influences de ce trio majeur : il est à Rome depuis trois ans à peine quand il compose et grave ce chef-d’œuvre manifestant à quelle vitesse l’ignorant qu’il était en France a tout saisi, y compris la virtuosité technique, avec les estampes de Gilles Sadeler et de Francesco Villamena.

Les membres de l’ordre de Notre-Dame de la Merci s’activent alors pour obtenir du pape Urbain VIII la canonisation de leur fondateur, et cette commande à Mellan par le frère Luis Aparicio, leur représentant en Italie, fait partie de leur campagne. Le moine catalan est d’ailleurs portraituré sur l’estampe (c’est le premier sur la gauche) et en signe la dédicace au maître général de l’ordre, Juan Cebrian. Ils obtiendront gain de cause le 30 septembre 1628.

  • 4-Mellan-cover

    Claude Mellan (1598-1688)

    Saint Pierre Nolasque porté à l’office divin par deux anges, gravure au burin exécutée à Rome en 1627, IFF 22
    485 x 345 mm

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