Le peintre et graveur Jacques Villon, né Gaston Duchamp, fait partie d’une illustre fratrie d’artistes, dont Marcel Duchamp, l’inventeur du concept en art, est sans doute le plus connu, mais à laquelle appartiennent également le sculpteur Raymond Duchamp-Villon et l’artiste-peintre Suzanne Duchamp.
Jacques Villon suit d’abord les traces de son père notaire en entamant des études de droit, mais les abandonne rapidement pour se tourner vers une carrière artistique. Il adopte alors le pseudonyme de Jacques Villon en souvenir du poète François Villon. Installé à Montmartre, il commence à réaliser des affiches et des dessins satiriques pour la presse. Villon, qui s’était initié à la gravure dès l’adolescence, poursuit son apprentissage, s’essayant à diverses techniques (eau-forte, pointe-sèche, lithographie en couleurs), adoptant dans un premier temps un style mondain, imprégné néanmoins de l’héritage de Manet et des impressionnistes. En 1906, Villon quitte Montmartre pour s’installer à Puteaux. Son atelier devient le lieu privilégié des réunions des frères Duchamp, et le théâtre de longues discussions sur l’art. Au cours des années suivantes, l’émergence du cubisme, ainsi que la découverte des écrits de Léonard de Vinci, vont transformer de manière radicale la pratique d’un artiste déjà trentenaire. Ses réflexions sur la représentation de l’espace le conduisent à développer une théorie de la vision pyramidale, dont émerge un style entièrement neuf. L’exigence intellectuelle et technique du graveur donne naissance à des planches fascinantes, comme le Baudelaire au socle (1920), traduisant par la pointe la sculpture du même sujet due à son frère Raymond, mort à la guerre en 1918. En dépit de leur qualité et de leur originalité, les planches nées de cette nouvelle approche ne rencontrent pas le succès du public. Dans les années 1920, Villon fait face à des difficultés financières, et se met à réaliser des gravures d’interprétation de grands peintres modernes, qui ne lui laissent que peu de temps pour son œuvre personnelle. Celle-ci ne reprendra pleinement que dans les années 1930. Le paysage commence alors à prendre de plus en plus de place, comme dans Les trois ordres, Beaugency (1939). Après la Seconde guerre mondiale, le talent et l’originalité de Villon sont enfin reconnus. Son œuvre est alors couronnée par de nombreux prix et par des expositions importantes, dont une importante rétrospective au Musée National d’Art Moderne de Paris (1959).
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La collection de la Fondation William Cuendet & Atelier de Saint-Prex comprend douze estampes de Jacques Villon. Cinq d’entre elles proviennent de la collection privée de Gérard de Palézieux ; trois autres proviennent de la collection d’André Desponds ; les quatre dernières ont été acquises entre 2018 et 2022.