Dès le début des années 1970, le peintre-graveur français Pierre Tal Coat a fait plusieurs séjours à l’Atelier de Saint-Prex où il a trouvé auprès de Pietro Sarto et de son équipe un accueil et une compétence technique qui vont l’encourager à développer son activité de graveur. Plusieurs ouvrages importants – comme Almanach, édité à Genève en 1971 par Jacques Benador, puis, en 1975 et 1978, tous deux édités par Françoise Simecek à Lausanne, Laisses et Sous le linteau en forme de joug (1978) contenant des textes de son ami le poète André du Bouchet – sont ornés de bois gravés, de pointes sèches, d’aquatintes et de lithographies. La présence de cet artiste stimulant et inventif apportera un air nouveau, non seulement par sa liberté de pensée et ses propos brillants mais par son attention amicale, aux jeunes artistes romands actifs dans l’atelier.
Pierre Jacob — qui adoptera en 1926 le pseudonyme de Tal Coat (« Front de bois » en breton) pour se démarquer du poète Max Jacob — naît en 1905 à Clohars-Carnoët, dans le Finistère. Fils d’un marin-pêcheur tué au cours de la Première guerre mondiale, Tal Coat enchaîne les emplois pendant sa jeunesse, tout en se formant en autodidacte à la peinture. Arrivé à Paris en 1924, il expose dès l’année 1926 à la galerie Fabre. La première partie de son œuvre, ouvertement figurative, est marquée par l’influence de différents courants comme le fauvisme, le cubisme ou l’expressionisme. Les années 1930 sont marquées par des rencontres importantes, comme celles de Francis Gruber, d’Alberto Giacometti ou encore de Gertrude Stein. L’artiste commence alors à connaître un certain succès, son travail faisant même l’objet d’une exposition à la Julian Levy Gallery de New York en 1938. Sa peinture est aussi marquée par les troubles de son époque, comme en témoigne sa série des Massacres, inspirée par la Guerre d’Espagne. Mobilisé en 1939 puis démobilisé en juillet 1940, Tal Coat s’installe à Aix-en-Provence, où de nombreux artistes et écrivains se sont réfugiés. Trois ans plus tard, il s’installe au Château Noir, au pied de la montagne Sainte-Victoire, à l’endroit même où Cézanne avait coutume de peindre. En Provence, l’œuvre de Tal Coat va alors connaître une véritable renaissance : sa palette se fait à la fois plus fluide et plus restreinte, et les figures s’évaporent pour laisser place à une quête de synthèse et d’essentialisation du visible, que le peintre n’aura de cesse de poursuivre au cours des décennies suivantes. Exposé dès 1954 à la Galerie Maeght, Tal Coat est choisi pour représenter la France à la Biennale de Venise de 1956. En 1961, il s’installe à Saint-Pierre-de-Bailleul, dans la campagne normande, où il travaille jusqu’à sa mort survenue en 1985.