La présence de planches d’Edouard Manet répond au souci de réunir au sein de la Fondation un ensemble cohérent illustrant le renouveau d’intérêt pour l’eau-forte et la pratique de la lithographie dans la seconde moitié du XIXe siècle. C’est ainsi que la collection s’est enrichie, au cours des dernières années, de planches dues à des maîtres incontestés comme Degas, Bresdin, Géricault, Redon et Pissarro. La collection comprend quatre estampes d’Edouard Manet. Deux d’entre-elles (Fleur exotique et Berthe Morisot, en noir) proviennent de la collection de Gérard de Palézieux, les deux autres (Toréro mort et Guerre civile) ont été acquises récemment.
L’œuvre d’Édouard Manet occupe une place essentielle dans l’histoire de l’art, en raison de la profonde rupture qu’elle marque vis-à-vis de l’art académique, ouvrant ainsi la voie à l’impressionnisme et aux débuts de l’art moderne. Né à Paris au sein d’une famille bourgeoise, le jeune Edouard, pour satisfaire son père, se tourne d’abord vers une carrière de marin. Ce n’est qu’après avoir échoué au concours d’entrée de l’École navale qu’il se consacre à la peinture, en intégrant en 1849 l’atelier du peintre d’histoire Thomas Couture. Mais le véritable apprentissage de Manet se fait au contact des grands maîtres (Tintoret, Titien, Hals, Vélasquez), qu’il copie inlassablement au Louvre. Alors qu’il avait été admis au Salon de 1861 avec Le Chanteur espagnol, Manet provoque un scandale en 1863 avec Le Déjeuner sur l’herbe, œuvre séminale qui rompt avec les codes en vigueur et qui se voit refusée du Salon officiel. Ce succès de scandale, réitéré deux ans plus tard avec Olympia, lui apportera une grande notoriété, notamment auprès des jeunes peintres qui formeront bientôt le groupe impressionniste. Manet demeure néanmoins à l’écart du mouvement, poursuivant sa quête personnelle qui le mènera jusqu’à son dernier chef-d’œuvre, Un Bar aux Folies Bergère (1882), réalisé un an avant sa mort.
Même s’il est avant tout un peintre, Manet grave au cours de sa carrière plus de cent estampes, dont près de la moitié sont gravées entre 1860 et 1863. Membre fondateur de la Société des Aquafortistes (créée en 1862), l’artiste contribuera activement au renouveau de l’eau-forte, en publiant notamment deux portfolios de ses compositions. De 1868 et 1874 il a recours au dessin sur pierre, réalisant quelques chefs-d’œuvre dans l’art lithographique, comme Guerre civile (1871), inspiré par les événements de la Commune, ou encore Berthe Morisot, en noir (1872), artiste-peintre qui fut également sa belle-sœur. La gravure a également servi à Manet pour illustrer des poèmes, comme Fleur exotique d’Armand Renaud, Le Corbeau d’Edgar Poe, ou encore L’Après-midi d’un faune de Stéphane Mallarmé. En parallèle à ses gravures originales, Manet a par ailleurs transposé sur le cuivre certains de ses propres tableaux, comme le Toréro mort (1867).