Le peintre-graveur Francisco Goya ne pouvait laisser indifférents les artistes et collectionneurs proches de la Fondation. C’est tout autant sa maîtrise de la technique de l’aquatinte que la puissance visionnaire et son engagement politique qui ont déterminé Gérard de Palézieux, en un premier temps, à acquérir Los Caprichos, constitué de 81 planches montées en album. Dans cette célèbre série, Goya donne en effet libre cours à sa prodigieuse imagination, en s’inspirant des vices humains pour composer des scènes d’une satire brillante et féroce. Quelques années plus tard, les membres du conseil décideront de leur adjoindre quelques inventions en planches libres provenant soit des Caprices soit de la série des Proverbes.
Dernier grand représentant d’une tradition de la peinture espagnole qui remonte au Greco, Francisco Goya est aussi un artiste d’une extraordinaire modernité, qui se manifeste de manière particulièrement frappante dans son œuvre gravé. Né en 1746 en Aragon, fils d’un maître doreur, Goya grandit à Saragosse, où il suit un premier apprentissage de dessin. Après avoir échoué par deux fois à obtenir une bourse à l’Académie des Beaux-Arts de Madrid, il décide de poursuivre son éducation artistique en Italie, où il séjourne pendant deux ans (1769-1771). De retour en Espagne Goya répond à plusieurs commandes de peinture de fresques. En 1775, il s’installe à Madrid, où il commence à peindre des cartons pour la Fabrique royale de tapisserie, pratique qui restera son activité la plus importante pendant de nombreuses années. Il devient en parallèle l’un des portraitistes les plus appréciés de l’aristocratie, ce qui lui permet d’accroître sa réputation. Il est admis à l’Académie des Beaux-Arts en 1780, avant d’être nommé peintre du roi en 1786. Les portraits saisissants que Goya réalise de la famille royale surprennent par leur absence totale de concession. En 1793, Goya est subitement atteint par une mystérieuse maladie, dont il échappe de peu, et qui marque le début d’une surdité qui pèsera sur la dernière partie de sa vie. Après ce tournant radical, Goya commence à déployer son imagination dans des œuvres personnelles en parallèle à ses œuvres de commande. La fin de sa vie est marquée par la série des Peintures noires (1819-1823), qu’il exécuta sur les murs de sa maison de campagne, la Quinta del Sordo. En 1824, Goya quitte l’Espagne en raison du retour de la monarchie et de la répression des libéraux et s’exile à Bordeaux, où il réalise ses derniers chefs-d’œuvre, avant d’y mourir en 1828.
Constitué de plusieurs séries parfois très éloignées dans le temps, l’œuvre gravé de Goya est inaugurée par une série d’eaux-fortes réalisée en 1778 d’après plusieurs tableaux de Vélasquez. Mais sa véritable percée dans ce domaine intervient vingt ans plus tard avec Los Caprichos (1799), une suite d’eaux-fortes rehaussées à l’aquatinte qui exercera une grande influence sur l’imaginaire romantique. Une décennie plus tard, l’occupation de l’Espagne par les troupes napoléoniennes et la violente guerre d’indépendance qu’elle provoque donne naissance aux Désastres de la guerre, une série d’estampes d’une grande force émotionnelle qui, comme les célèbres toiles du 2 mai et du 3 mai 1808 (1814), vise à dénoncer la violence de la guerre. Après La tauromachia, une série sur l’histoire de la tauromachie(1816), Goya renoue avec une démarche proche de celle des Caprices dans la série des Disparates (ou Proverbes), dont les planches énigmatiques frappent par leur étrangeté. À la fin de sa vie, Goya, toujours avide d’expérimentations techniques, adopte la lithographie, une technique très récente, puisque son invention remonte aux dernières années du xviiie siècle. Ses lithographies Los toros de Burdeos (les Taureaux de Bordeaux) comptent parmi les premiers chefs-d’œuvre de cette technique.