La Fondation William Cuendet & Atelier de Saint-Prex conserve plus de 120 œuvres sur papier de Camille Corot. La majorité de ces feuilles a rejoint la collection en 1994 grâce à un don des héritiers de William Cuendet, lequel professait à côté de son intérêt pour Dürer et Rembrandt une grande passion pour cet artiste. Entre 2000 et 2005, Gérard de Palézieux a ajouté à ce premier ensemble 30 pièces provenant de sa collection personnelle – dont l’album Douze croquis & dessins originaux sur papier autographique et quelques clichés-verre. C’est en 1853 que Corot apprivoise cette technique novatrice, proche de la photographie, où l’artiste dessine directement sur une plaque de verre translucide recouverte d’une couche de collodion que la pointe griffe et dégarnit. L’essentiel de son travail de graveur recourt à cette technique, qui lui autorise une grande liberté et des effets de lumière très particuliers. Plusieurs artistes de l’Atelier de Saint-Prex, au premier rang desquels se trouve Pierre Schopfer, exploiteront avec profit ce procédé.
Figure majeure de la peinture française du xixe siècle, Camille Corot joue un rôle de premier plan dans la revalorisation que connaît alors le genre du paysage. Né à Paris en 1796 d’un père bourguignon, et d’une mère d’origine fribourgeoise, Corot commence par aider son père dans son commerce de draps. Mais le jeune homme, attiré par la peinture, s’inscrit aux cours du soir à l’Académie Suisse. En 1822, âgé de vingt-six ans, il abandonne définitivement la carrière commerciale et se forme auprès du peintre Achille-Etna Michallon, qui l’incite à étudier d’après nature, puis auprès de Jean-Victor Bertin, qui lui apprend les codes du paysage néoclassique hérité de Poussin et de Claude Lorrain. Dès ces années de formation, Corot sillonne l’Île-de-France et la Normandie en y rapportant de nombreuses études esquissées sur le motif.
Il poursuit son développement en effectuant un premier séjour capital en Italie (1825-1828). Il commence alors à exposer au Salon, mais prend soin d’y présenter essentiellement des paysages « composés », plus conformes aux normes de l’époque. Au cours des années suivantes, le peintre-voyageur traverse encore de nombreuses régions de France, effectue deux autres séjours en Italie (1834, 1843), et s’aventure en Suisse, en Belgique et en Hollande (1853-1854). Admiré depuis longtemps par ses pairs et par d’éminents critiques comme Théophile Gautier ou Charles Baudelaire – lequel souligne dans son Salon de 1846 sa qualité d’« harmoniste » –, Corot rencontre enfin le succès auprès du grand public et des marchands dès les années 1850.
Il travaillera inlassablement jusqu’à sa mort, édifiant, en marge des écoles artistiques de son temps, une œuvre délicate mais abondante, qui exercera une influence déterminante sur les peintres de l’école de Barbizon aussi bien que sur les premiers impressionnistes. Corot s’est intéressé à la gravure dès les années 1820, en s’adonnant d’abord à la lithographie. En 1845, il se tourne vers l’eau-forte, qui lui inspire 14 estampes qui témoignent de son génie du trait. Mais la contribution la plus importante de Corot à l’histoire de la gravure se manifeste dans le cliché-verre, une technique qui apparaît à la même époque que la photographie, et dont il est l’un des premiers artistes à se servir avec génie.