Par son engagement constant en faveur de la gravure, Albert-E. Yersin peut être considéré comme l’artiste qui, le premier en terre vaudoise, aura insufflé l’idée d’un cabinet des estampes. Dès 1942 il avait créé le groupe Tailles et Morsures. Puis en 1949, avec la complicité d’Albert Flocon et Gaston Bachelard le groupe Graphies. Devenu professeur de gravure à l’École des Beaux-Arts de Lausanne, il transmettra sa passion à de nombreux élèves qui créeront avec son soutien le groupe L’Épreuve, puis l’Atelier de Saint-Prex. Dans ce cadre Yersin encouragera des vocations, et imprime bientôt, avec l’aide de Pietro Sarto et de Michel Duplain, ses premières gravures en couleurs. La Fondation William Cuendet & Atelier de Saint-Prex conserve plus de 460 œuvres de Yersin dans sa collection. Une centaine d’œuvres sont entrées en tant que dépôt légal de l’Atelier de Saint-Prex à la fin des années 1990 tandis que la majorité d’entre elles proviennent de la collection dite « la boîte d’Henriette », ensemble des plus belles estampes et dessins (55) que l’artiste réservait à sa compagne, la photographe Henriette Grindat.
Orphelin de père dès son plus jeune âge, Albert-Edgar Yersin passe une enfance vagabonde qui le mène des États-Unis à Santiago de Chili, où il reçoit son premier véritable enseignement artistique. Il entame à New York des études d’architecture, qu’il abandonne rapidement pour suivre une formation de graphisme au Pratt Institute de Brooklyn. Il s’installe en 1927 à Paris, où il poursuit son apprentissage à l’Académie Colarossi et commence à prendre part à des expositions de groupe. 1933 est une année particulièrement marquante, puisqu’elle coïncide à la fois avec son initiation à la gravure et avec son installation en Suisse. Établi dans le canton de Vaud dès 1939, Yersin sera jusqu’à la fin de sa vie l’une des figures majeures de la gravure dans ce pays où imprimeurs et éditeurs sont nombreux. Pratiquant également la peinture et la sculpture dès la fin des années 1940, il expose régulièrement dans les musées et les galeries. En 1993 le Musée de l’Elysée à Lausanne lui consacre une importante rétrospective.
Alors que les premières gravures de Yersin, dans les années 1930, consistaient avant tout dans des paysages et des vues urbaines, dès les années 1940, au contact de son ami Albert Flocon, il s’éloigne de la figuration expérimentant la portée symbolique des formes abstraites. Il délaisse aussi le burin pur au profit de toutes sortes de techniques mixtes. Émerge alors progressivement une syntaxe très personnelle, qui donne naissance à des microcosmes complexes mêlant figuration et abstraction. Animé d’une curiosité passionnée, Yersin n’aura de cesse de renouveler ses approches à l’aide de différents procédés de gravure, comme en témoignent ses recherches des années 1960 dans le domaine de la pierre gravée, mais aussi son exploitation des structures sur la plaque de cuivre afin d’en rendre possible la mise en couleur.