Édouard Vuillard offre l’un des exemples les plus marquants de l’essor des peintres-graveurs au cours des dernières années du xixe siècle, en particulier grâce à ses réussites dans le domaine de la lithographie en couleurs.
Né en 1868 en Saône-et-Loire, Vuillard passe son adolescence à Paris. Au Lycée Condorcet, il se lie d’amitié avec les futurs peintres Ker-Xavier Roussel et Maurice Denis. Il est rapidement l’un des membres les plus importants des Nabis, jeunes peintres fréquentant l’Académie Julian, épris de couleurs et de Gauguin, et professant une esthétique radicalement nouvelle. Loin de l’approche religieuse de certains membres du groupe, Vuillard privilégie très tôt les sujets de la vie quotidienne, en particulier les scènes d’intérieur au caractère intime et les portraits. Après s’être initié aux secrets de cette technique, au début des années 1890, Vuillard devient au cours des années suivantes l’un des principaux acteurs du renouveau de la lithographie en couleurs. Sa première réussite dans ce domaine, Le Jardin des Tuileries (1896), est publiée dans le premier Album de Peintres-graveurs conçu par le célèbre marchand Ambroise Vollard, collectionneur de Cézanne et de Gauguin. Vuillard réitère l’exercice pour le deuxième album de Vollard, et réalisera même la couverture d’un troisième album, qui ne verra malheureusement jamais le jour. Mais Vollard publiera en revanche les Paysages intérieurs (1899) qui compte parmi les chefs-d’œuvre du genre et constitue sans doute, avec ses douze lithographies en couleurs, le sommet de l’œuvre graphique de Vuillard. Celui-ci réalise en outre de nombreuses planches pour le Théâtre de l’Œuvre et pour La Revue blanche, témoignant de ses liens avec l’avant-garde théâtrale et littéraire. Si Vuillard se détourne de la gravure aux alentours de 1900, sa peinture lui permet en revanche de connaître un succès grandissant. Vuillard continue cependant de mener une vie modeste et rangée : resté célibataire, il partage sa vie dans différents appartements parisiens avec sa mère, jusqu’à la mort de celle-ci en 1928. La fin de sa vie est marquée par les honneurs, avec deux commandes d’État à la fin des années 1930 et une rétrospective au Musée des Arts décoratifs de Paris en 1938. Il décède en 1940, en pleine invasion allemande. Sa dernière grande estampe, La Place Vintimille (1937), s’exprime curieusement dans une technique qu’il n’avait presque jamais pratiquée auparavant : l’eau-forte. Trop souvent réduit à l’image d’un artiste « sage », Vuillard fait pourtant preuve d’invention et d’une grande liberté de la main, particulièrement manifeste dans ses compositions sur pierre des années 1890.
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La collection de la Fondation William Cuendet & Atelier de Saint-Prex comprend six estampes d’Édouard Vuillard. À l’exception d’une estampe acquise récemment (Sur le Pont de l’Europe, 1899), toutes proviennent de la collection privée de Gérard de Palézieux.