La plupart des soixante planches de l’artiste hollandais conservées par la Fondation William Cuendet & Atelier de Saint-Prex proviennent de la collection du pasteur Cuendet et faisaient partie de son corpus d’œuvres destinées à illustrer ses interprétations des Écritures. Dans ce remarquable ensemble, les pièces où le Christ s’exprime face à la foule sont majoritaires. Ainsi Jésus prêchant à la foule, au milieu de ses disciples, face à ses contradicteurs dont les plus beaux exemples restent La Pièce aux cent florins et la Petite Tombe, mais aussi un exemplaire des Trois Croix et un tirage exceptionnel de la Descente de croix, effet de nuit constituent les fleurons de cette collection. Le legs de Gérard de Palézieux a encore enrichi cette sélection de planches à l’eau-forte, grâce à un exemplaire de La Fuite en Égypte, image retravaillée sur un cuivre d’Hercule Segers, et à une planche intitulée La Négresse couchée, bien qu’il s’agisse sans doute simplement d’une femme nue couchée dans la pénombre d’une alcôve.
Rembrandt van Rijn naît en 1606 dans la ville universitaire de Leyde, à l’aube d’une période particulièrement prospère pour les Provinces-Unies. Il abandonne rapidement ses études pour se consacrer entièrement à l’art, en suivant un apprentissage chez un peintre de sa ville natale, avant de parfaire sa technique à Amsterdam, dans l’atelier du peintre d’histoire Pieter Lastman. Il établit ensuite son propre atelier à Leyde, avant de s’installer définitivement à Amsterdam en 1631, à l’âge de vingt-cinq ans. Il y rencontre rapidement le succès grâce à ses portraits et à ses tableaux de groupe, dont la fameuse Leçon d’anatomie du docteur Tulp. Les années prospères qui coïncident avec son premier mariage seront suivies de décennies bien plus amères ; mais les drames personnels, les déboires financiers et le désintérêt grandissant de ses contemporains ne sauront avoir raison de son génie, comme en témoignent les chefs-d’œuvre si particuliers de sa dernière période. La gravure, que Rembrandt pratique dès la période de Leyde, occupe une place très importante dans sa carrière. Elle représente non seulement un champ d’expérimentations (comme en témoignent les très nombreux autoportraits gravés) et un moyen pratique de diffuser son œuvre, mais ce sont avant tout les propriétés expressives du procédé qui le retiennent. Par son traitement du clair-obscur, son art de la composition et de la mise en scène, Rembrandt exploite pleinement le langage de l’eau-forte, permettant une plus grande souplesse que la gravure au burin. Sa technique très caractéristique, où foisonnent les traits irréguliers, les jets spontanés et les retouches, donne naissance à des compositions d’une grande puissance. Outre les autoportraits, les portraits de notables et les scènes de genre, Rembrandt, à partir des années 1640, grave de plus en plus de paysages, comme les célèbres Trois Arbres. Mais c’est sans doute dans les scènes de la Bible, qui représentent une partie importante de son œuvre gravé, que le génie de graveur de Rembrandt se révèle à son apogée, notamment dans des scènes rassemblant la foule comme La Pièce aux cent florins. l’Ecce Homo ou Les Trois Croix.