La collection de la Fondation William Cuendet & Atelier de Saint-Prex compte uniquement trois gravures de Pissarro. En premier lieu, le très émouvant autoportrait datant de 1890-1891, Camille Pissarro par lui-même, épreuve d’une rare qualité que Gérard de Palézieux a acquise à la fin de sa vie. Puis une lithographie représentant l’avant-port de Dieppe dont Pissarro a donné seize versions en peinture depuis sa chambre d’hôtel, en 1902. Récemment encore, la Fondation s’est enrichie de La Masure (1879), planche qui remonte à la période où l’artiste renoue avec la gravure, sous l’impulsion de son ami Edgar Degas. C’est sur les conseils de ce dernier, en effet, que Pissarro commence à utiliser l’aquatinte et à combiner différentes techniques de gravure, exploration qui ouvre la voie à de nombreuses réussites.
Considéré comme l’un des pères de l’impressionnisme, Camille Pissarro, célèbre pour sa peinture de paysage, est aussi le graveur le plus prolifique du mouvement, ayant réalisé près de deux cents estampes au cours de sa longue carrière. Fils d’un commerçant juif d’origine portugaise, Pissarro grandit dans les Antilles, même s’il effectue une partie de son éducation en France, à Passy. Après un séjour de deux ans au Venezuela (1852-1854) en compagnie du peintre danois Fritz Melbye, il passe une dernière année à Saint-Thomas avant de partir définitivement pour la France en 1855. Marqué par des peintres de paysage comme Corot ou Millet, Pissarro suit des cours à l’Académie suisse et commence à exposer au Salon dès 1859. S’étant lié avec plusieurs artistes, il joue un rôle important dans la naissance du mouvement impressionniste, dès la première exposition qui est consacrée à celui-ci en 1874. Fervent amoureux de la nature, Pissarro s’inspire dans ses compositions des paysages voisinant ses différents lieux de vie (Pontoise, Louveciennes, Éragny), même si les vues urbaines (Paris, Rouen) occupent aussi une place importante dans son œuvre. Il sera reconnu par la jeune génération – notamment par Gauguin, qui fut son élève – comme un artiste de premier plan.
Pissarro est aussi l’un des acteurs majeurs du formidable essor de peintres-graveurs dans la seconde moitié du xixe siècle. Il commence à pratiquer l’eau-forte au début des années 1860, devenant en 1862 membre fondateur de la Société des Aquafortistes, qui signe le renouveau de cette technique. Après un hiatus de plusieurs années, Pissarro se remet à graver en 1873, à Pontoise, alors qu’il fréquente Paul Cézanne (dont il réalise un portrait à l’eau-forte) et le docteur Paul Gachet, lui-même graveur amateur. Vers 1878, on observe le début d’une nouvelle phase particulièrement intense dans l’activité de graveur de Pissarro, notamment sous l’impulsion de ses échanges avec Edgar Degas. C’est sur les conseils de celui-ci que Pissarro commence à utiliser l’aquatinte et à combiner différentes techniques de gravure, exploration qui ouvre la voie à des réussites admirables, comme La Masure (1879). À partir de 1884, désormais installé à Éragny, en Normandie, Pissarro réalise certains de ses chefs-d’œuvre en matière de gravure, comme son Autoportrait (1890) à l’eau-forte. Dans les dernières années de sa vie, il expérimente avec l’estampe en couleur, avant de revenir à la lithographie, réalisant une série de Baigneuses, ainsi que des paysages de campagne et de ville.