La collection de la Fondation William Cuendet & Atelier de Saint-Prex ne possède pour l’instant guère que quatre estampes et une huile sur toile de Giorgio Morandi. Toutes proviennent d’ailleurs du legs de Gérard de Palézieux qui rencontra le peintre à Bologne en 1953, et entretint avec lui des rapports réguliers jusqu’à sa mort survenue en 1964. L’écriture à la fois sobre et d’une efficacité exemplaire du Bolonais influencera fortement les premiers travaux de l’artiste suisse, autant par le choix des thèmes, natures mortes et paysages, que par la manière de disposer les traits à la surface de ses cuivres gravés à l’eau-forte.
Auteur d’une œuvre aussi facilement reconnaissable que fascinante, le peintre et graveur italien Giorgio Morandi occupe une place à part dans l’histoire de l’art du xxe siècle. Né à Bologne en 1890, Morandi se forme de 1907 à 1913 à l’Académie des Beaux-Arts de sa ville natale. À la mort de son père, il s’installe avec sa mère et ses sœurs dans une maison de la via Fondazza, à Bologne, où il vivra et travaillera tout entier dévoué à son œuvre jusqu’à sa mort en 1964. Durant sa jeunesse, il étudie de près certaines figures de la grande tradition de l’art italien (Giotto, Masaccio, Uccello), tout en se montrant curieux des développements de l’art moderne : s’il témoigne de l’intérêt pour le futurisme, le cubisme et la peinture métaphysique, il développe surtout une profonde admiration pour l’art de Cézanne, qui imprègnera profondément sa propre démarche. Dès ses débuts, les travaux de Morandi se caractérisent par une palette chromatique extrêmement sobre et tout en nuances ; en dehors de paysages, systématiquement dénués de figures humaines, l’artiste concentre son attention sur des natures mortes où bouteilles, boîtes et brocs sont l’objet d’infinies variations, savantes architectures profondément méditées qui s’opposent avec une force tranquille aux désordres du temps. Face aux difficultés financières qui sont les siennes, Morandi acceptera d’assumer un temps plusieurs postes d’enseignants : il enseignera notamment les techniques de gravure à l’Académie des Beaux-Arts de Bologne, tout en poursuivant en solitaire. Ce n’est qu’après la Seconde guerre mondiale qu’il obtient enfin une véritable reconnaissance, et en particulier grâce à son œuvre gravé.
Ses eaux-fortes, au nombre de 136, reprennent les thèmes de la peinture mais la réduction des moyens définie par le procédé, limité au seul couple noir-et-blanc oblige le graveur à synthétiser encore davantage son langage. La syntaxe joue sur le simple écartement de ses tailles, rarement croisées, laissant pénétrer la lumière, lui permettant de glisser le long des formes ou de stationner longuement dans les ombres.