La plupart des artistes travaillant autour de l’Atelier de Saint-Prex sont des peintres qui se sont vivement intéressés au genre du paysage. Il n’est donc pas étonnant de retrouver dans la collection dont ils ont le souci diverses représentations de paysages réalisés par un grand nombre de maîtres appartenant à tous les siècles. À ce titre, à côté de Corot et de Bresdin, les eaux-fortes de Claude Lorrain, qui pratique la gravure pour lui-même, quêtant dans ses compositions l’expression la plus juste de la lumière, a particulièrement séduit Gérard de Palézieux. Pratiquant lui-même le paysage, tant en peinture, dessin et aquarelle qu’en gravure, ce dernier a ainsi acquis au fil des ans un exceptionnel ensemble d’une trentaine de sujets – souvent déclinés en plusieurs états – de l’artiste établi et actif à Rome.
Claude Gellée, couramment désigné comme « Le Lorrain » en référence à sa région d’origine, est souvent considéré comme le plus grand peintre de paysage du xviie siècle. Son enfance et sa jeunesse sont relativement mal connues, mais on sait qu’il quitte la France au début de son adolescence pour rejoindre Rome, qui fait figure de capitale artistique européenne en ce début de siècle. Claude intègre l’atelier du peintre maniériste Agostino Tassi, dont il devient l’assistant. Aux alentours de 1620, il effectue un séjour de deux ans à Naples, où il poursuit sa formation. En 1625, Claude est de retour en Lorraine, mais il n’y reste que deux ans, avant de retourner à Rome, où il établit son propre atelier. Le genre du paysage connaît alors une profonde transformation, sous l’influence de peintres comme Annibal Carrache, Paul Bril et Nicolas Poussin. C’est dans cette tradition que s’inscrit le jeune peintre français. En s’inspirant de la campagne romaine qu’il parcourt inlassablement, Claude réalise des paysages ordonnés d’une profonde sensibilité et d’une grande harmonie, particulièrement novateurs dans le traitement de la lumière. En 1633, il est admis au sein de l’Académie Saint-Luc, la principale association des artistes de Rome. Dès les années 1630, il reçoit des commandes de clients très importants, comme le pape Urbain VIII ou le roi d’Espagne Philippe IV. Le succès est tel que de nombreuses contrefaçons de son travail circulent sur le marché, ce qui pousse Claude à établir un catalogue détaillé de ses productions, le Liber veritatis (dès 1635). Au cours des décennies suivantes, et jusqu’à sa mort en 1682, Claude Lorrain, qui jouira toujours d’une grande réputation et ne manquera jamais de commandes, n’aura de cesse de développer son style, donnant naissance aux paysages mélancoliques et sereins qui font encore aujourd’hui sa réputation.
Longtemps resté dans l’ombre de sa peinture, l’œuvre gravé de Claude est pourtant d’une grande richesse, et nous permet en outre d’éclairer le processus créatif de l’artiste. Ne constituant pour lui ni un moyen de diffuser sa peinture ni une entreprise commerciale, la gravure est pour Claude l’occasion d’une création très libre, et il ne se prive pas de multiplier les états en reprenant ses gravures à plusieurs reprises. Après des premières expérimentations au début des années 1630 pour apprivoiser la technique de l’eau-forte, ses progrès sont très rapides. Ses gravures de la suite des années 1630, parfois basées sur un tableau ou un dessein préexistant, nous révèlent une nature plus foisonnante, moins ordonnée que celle qui apparaît dans ses compositions en peinture. Entre 1641 et le début des années 1650, Claude abandonne complètement la pratique de la gravure. Mais il y revient dans la dernière partie de sa carrière, donnant naissance à de véritables chefs-d’œuvre, comme Le Troupeau en marche par temps orageux (1651), ou Le Temps, Apollon et les Saisons (1662).