La grande majorité des planches de Dürer figurant dans la collection provient de l’ensemble réuni au cours des ans par le pasteur William Cuendet. Leur thématique reflète le grand intérêt de ce dernier pour les récits relatés dans les Évangiles d’où il aimait à tirer la matière de ses sermons. En témoigne la présence des trois Passions réalisées par l’artiste allemand : la Passion sur cuivre, tout d’abord, composée de 16 burins et gravée entre 1507 et 1513, puis la Grande passion sur bois, dont la venue en onze planches et un frontispice s’étale de 1497 à 1511 et, enfin, la Petite passion sur bois, réalisée d’un seul tenant en 36 planches, entre 1509 et 1511. À ce riche ensemble s’ajoutent encore plusieurs burins, dont les célèbres exemples de Melencolia I et du Saint- Jérôme. Cuendet a également acquis la suite, plus italianisante, des xylographies formant La Vie de la Vierge et quelques planches appartenant au livre de l’Apocalypse que la Fondation s’efforce aujourd’hui de compléter.
L’œuvre d’Albrecht Dürer (1471-1528), en raison de son exceptionnelle richesse et du profond renouvellement qu’elle incarne par rapport à l’art gothique allemand, est souvent considérée comme l’acte fondateur de l’art de la Renaissance des pays du Nord. Fils d’un maître-orfèvre établi à Nuremberg, Dürer suit jusqu’en 1486 un apprentissage dans l’atelier de son père, ce qui lui permet notamment d’acquérir très jeune une maîtrise technique du burin. Il continue sa formation dans l’atelier du peintre Michael Wolgemut, qui est aussi un grand illustrateur de livres. En 1490, sa formation chez Wolgemut achevée, Dürer quitte Nuremberg pour plusieurs années, et c’est notamment en raison de son admiration pour les gravures de Martin Schongauer qu’il décide d’abord de se rendre à Colmar. Mais Schongauer étant décédé peu avant son arrivée, Dürer s’établit bientôt à Bâle, où il collabore avec des imprimeurs en réalisant de nombreuses illustrations de livres. Après un premier voyage en Italie (1494-1496) qui l’amènera à intégrer certains éléments du Quattrocento dans sa pratique artistique, Dürer établit son atelier à Nuremberg, et acquiert rapidement – notamment grâce au pouvoir de diffusion de ses gravures – une notoriété jusque-là inédite pour un artiste allemand, comme en témoigne l’accueil qui lui est réservé lors de son second voyage en Italie (1505-1507) et lors de son voyage en Hollande (1520-1521).
Le jeune Dürer se montre dès ses débuts très attiré par la gravure, qui connaît un développement considérable en parallèle du livre imprimé. Il en résulte bientôt un premier chef-d’œuvre, la série de gravures sur bois consacrée à l’Apocalypse (1496-1498). Si Dürer a expérimenté avec l’eau-forte, technique encore récente en Europe, c’est avant tout sa maîtrise exceptionnelle de la taille-douce au burin qui lui assure une place fondamentale dans l’histoire de la gravure. Les estampes de Dürer, aisément reconnaissables à leur célèbre monogramme, se caractérisent par un art de la composition et par une grande minutie du détail, particulièrement manifeste dans ses études de la nature. Au cours de la dernière période de sa carrière, Dürer réalise une série de gravures d’une extraordinaire richesse technique et symbolique, dont certaines, comme Melencolia I ou Saint Jérôme, comptent parmi les plus grands chefs-d’œuvre de l’histoire de la gravure.