La collection de la Fondation William Cuendet & Atelier de Saint-Prex comprend près de 950 œuvres d’Henry Bischoff, dont 140 dessins préparatoires aux gravures sur bois (plus de 800 feuilles), comprenant de nombreux états et épreuves d’essais. Ce fonds a été offert en 1979 par les enfants de l’artiste, Marie-Claude Lavanchy-Bischoff et son frère Luc Bischoff. En 1981, une exposition consacrée à son œuvre est organisée par le Musée de l’Elysée à Lausanne et reprise l’année d’après au Kunst Museum Winterthur / Reinhart am Stadtgarten.
Le Vaudois Henry Bischoff est l’auteur d’une œuvre très singulière, essentiellement consacrée à la gravure sur bois. Après une première initiation artistique assurée par son père, le peintre Théophile Bischoff, le jeune Henry poursuit sa formation à l’École des beaux-arts de Genève. Au cours des années 1900, il séjourne à Paris – où il fréquente son compatriote Félix Vallotton et les peintres nabis Maurice Denis et Paul Sérusier. Puis il se rend à Munich, où il est fortement marqué par l’expressionnisme allemand. Là également, il découvre les vignettes anonymes du xve siècle, dont la technique fruste, dite xylogravure, connaît un renouveau depuis la fin du xixe siècle. Très tôt donc, Bischoff adopte comme technique de prédilection la gravure sur bois. Le début de son œuvre, où les figures de danseurs et de saltimbanques sont récurrentes, frappe par son étonnante vitalité. De retour en Suisse en 1913, Bischoff se lie avec les membres des Cahiers vaudois (1914-1920), audacieuse entreprise éditoriale fondée par Edmond Gillard et Paul Budry, à laquelle contribuent Charles Ferdinand Ramuz, René Auberjonois et Ernest Ansermet. Bischoff y occupe un rôle important, puisqu’il est chargé de la conception artistique des ouvrages et qu’il réalise la célèbre effigie de la revue, une vignette en bois titrée « J’exprime » et représentant une main pressant une grappe de raisin. Après le dynamisme caractéristique de la première partie de son œuvre, la période qui succède au retour en Suisse voit apparaître des compositions plus paisibles, mais aussi des sujets religieux (Bischoff se convertira au catholicisme en 1929). C’est aussi au cours de cette période que Bischoff, grand lecteur des classiques de la littérature, commence à réaliser des illustrations de livres, dont une magnifique édition du Neveu de Rameau de Diderot (1920). Ce travail occupera une place essentielle dans sa pratique ultérieure, en particulier après sa rencontre en 1927 avec l’éditeur Henry-Louis Mermod. Dès les années 1920 et jusqu’à la fin de sa vie, Henry Bischoff réalise en outre de nombreux projets de décoration. En 1932, il est nommé professeur à l’École cantonale des beaux-arts de Lausanne, où son enseignement passionné et attentif marquera de nombreux élèves. Les temps sombres de la Seconde Guerre Mondiale coïncident avec un ralentissement de sa production artistique. On observe en revanche un regain d’invention au cours des dernières années de sa vie : la découverte de l’œuvre de Giuseppe Arcimboldo (1526-1593), où réapparaissent les figures de danseurs et de musiciens, marque un retour à l’enthousiasme et la liberté des débuts.