Au xviiie siècle se développe en Italie la mode du védutisme qui encourage la restitution, par l’image gravée, des monuments historiques et des joyaux ornant les villes visitées par les premiers touristes. Canaletto à Venise, puis Piranèse à Rome, se révèlent vite les maîtres incontestés de ce genre qui satisfait par moments aux exigences de la vérité topographique et, à d’autres, répond davantage aux aspirations de la rêverie. Lui-même fasciné par la lumière de la lagune, Gérard de Palézieux a très vite admiré, dans les eaux-fortes de Canaletto, les solutions apparemment si simples trouvées par l’artiste afin d’en traduire transparence et mobilité. C’est guidé par cette double passion qu’il a réuni un remarquable ensemble de 48 estampes du Vénitien, ensemble qui constitue la collection la plus complète de l’œuvre gravé de Canaletto après celle de la famille royale britannique (Château de Windsor) et celle du Cabinet des estampes de Berlin.
Giovanni Antonio Canal, plus connu sous le nom de Canaletto, commence sa carrière dans l’atelier de son père, décorateur de théâtre à Venise, mais abandonne rapidement le monde du théâtre et part pour Rome en 1719 avec l’intention de se consacrer entièrement à la peinture. C’est au cours de ce bref séjour romain qu’il réalise ses premières peintures de vues. Il est pourtant de retour dans sa ville l’année suivante. S’inscrivant dans la tradition du védutisme initiée au tournant du siècle par le peintre Luca Carlevarijs, Canaletto acquiert rapidement une grande réputation. Ses vues de Venise à la luminosité si caractéristique deviennent très prisées au cours des années 1730, notamment grâce au rôle d’intermédiaire joué par des marchands britanniques installés à Venise. L’un de ces marchands, Joseph Smith, qui sera nommé Consul britannique, occupe une place fondamentale dans la carrière de Canaletto. C’est sans doute à l’initiative de Smith que Canaletto, en 1740, s’initie au procédé de l’eau-forte et que cette première fréquentation de l’estampe aboutira à un chef-d’œuvre : la publication des Vedute, altre prese da i luoghi, altre ideate (1744), un ensemble de trente-et-une planches dont l’une des principales originalités consiste à mêler des vues d’après nature de Venise et de ses environs, les vedute, et des vues imaginaires, les capricci, comme le célèbre Portique à la lanterne. Au milieu des années 1740, une diminution du nombre de commandes amène Canaletto à s’installer à Londres, où réside l’essentiel de sa clientèle. Après une dizaine d’années passées en Angleterre, Canaletto revient à Venise en 1756. Même si la dernière période de sa carrière n’est pas aussi productive que les précédentes, elle est marquée par la consécration de son élection, en 1763, à l’Académie des Beaux-Arts de Venise, un fait rare pour un peintre de vues. Canaletto occupe une place importante dans l’histoire de la gravure, alors même que cette technique reste largement minoritaire dans l’ensemble de sa production, essentiellement consacrée à la peinture. Les eaux-fortes de Canaletto, toutes réalisées au début des années 1740, témoignent pourtant d’une maîtrise inégalée du procédé, grâce à un langage d’une remarquable économie qui parvient à traduire les subtilités de la lumière et ses infinies altérations entre ciels et eaux.